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Vitalie Calugareanu

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Entretien réalisé le mercredi 29 novembre dans la soirée, par téléphone et en roumain (depuis Chișinău).


Décryptage des résultats des élections municipales qui ont eu lieu en novembre en République de Moldavie avec Vitalie Călugăreanu, correspondant pour la Deutsche Welle…

Les résultats des élections municipales moldaves montrent que certains hommes politiques pro-russes, dont le maire de la capitale Chișinău, ont confirmé leur statut de poids lourds politiques. Tandis que les pro-européens, eux, n’ont remporté aucune grande ville*…

Certes, mais constatez que les pro-européens restent majoritaires dans le pays. Le PAS (Parti action et solidarité de la présidente pro-européenne Maia Sandu, ndlr), le parti au pouvoir, a su se maintenir. Et ce malgré la guerre et les conséquences économiques qui en découlent. Si l’inflation était à hauteur de 35% en 2022, cette année elle est en augmentation de 6%. Les Moldaves veulent voir leur niveau de vie s’améliorer sensiblement, et le plus rapidement possible. Or, cela n’est pas si simple, surtout avec une guerre à nos frontières.

* À Chișinău, le candidat pro-européen du Parti action et solidarité (PAS), Lilian Carp, n’a obtenu que 28% des voix, alors que le maire sortant, le pro-russe Ion Ceban, a été réélu dès le premier tour avec 50,6% des suffrages. Cependant, le PAS s’est imposé dans 19 des 32 districts du pays, et a remporté 240 mairies sur près de 900.

Quelles sont les chances pour Maia Sandu et son parti de remporter les prochaines échéances électorales ?

Les prochaines élections – législatives, ndlr – n’auront lieu que dans deux ans, ce qui laisse pas mal de temps au gouvernement pour revoir sa politique et obtenir des résultats tangibles pour les citoyens. Nous espérons aussi que d’ici à cette échéance, le processus de rapprochement avec l’Union européenne aura avancé. Des aides financières substantielles devraient par ailleurs arriver durant cette période. Selon moi, Maia Sandu a toutes les chances de remporter un nouveau mandat – l’élection présidentielle aura lieu l’année prochaine, ndlr. Il semblerait que l’ensemble des politiciens réellement pro-européens aient très bien saisi le sens de sa mission en ce qui concerne l’intégration du pays au sein de l’Union européenne. Tout le monde comprend que la chance de la Moldavie se joue à ce niveau-là. Maia Sandu est parvenue à nous sortir de l’isolement international en peu de temps, ce que personne d’autre n’aurait pu mieux faire, à mon avis. Jusqu’à présent, même ceux qui se disaient pro-européens convaincus se laissaient toujours influencer par la Russie, bloquant ainsi tout processus de rapprochement vers l’Ouest. Maia Sandu a changé la donne. Ce sont sans doute sa sincérité, mais également sa façon d’être et de communiquer qui lui ont permis de convaincre nos partenaires étrangers que la Moldavie méritait qu’on lui tende la main. Bien entendu, il est évident que les Russes vont soutenir coûte que coûte leurs propres candidats. Il est d’ailleurs intéressant de voir comment, lors des municipales, certains de ces candidats pro-russes n’ont pas hésité à capitaliser sur la ligne pro-européenne, ce qui était inconcevable il y a peu. Ceci étant, si une élection locale permet de voter pour des individus, les élections présidentielle et législatives sont davantage des scrutins géopolitiques. Or, de ce point de vue, je ne vois pas qui, parmi les pro-russes, pourrait les remporter. C’est d’ailleurs ce que les sondages actuels confirment, les pro-européens recueillent plus de 60% des intentions de vote.

Quels autres enseignements tirez-vous de ces élections ?

Le principal enseignement est qu’une partie de la population souffre réellement. C’est une évidence, même si la moitié de la facture de chauffage du pays a été effectivement prise en charge par des aides financières. Les gens se sont fortement appauvris du fait de l’inflation. L’enjeu des prochains scrutins est bien là ; les pro-européens devront réfléchir à la manière d’assimiler un électorat toujours plus désabusé qui se trouve dans un entre-deux. Les gens estiment que le PAS n’a pas suffisamment agi pour augmenter leur niveau de vie. Il est donc temps pour le gouvernement actuel de se retrousser les manches et de commencer à travailler différemment. Cela passe notamment par actionner d’autres leviers afin de lutter contre les fraudeurs. Cet aspect de justice sociale est représentatif du mécontentement des gens, car ceux qui ont pillé le pays sont toujours en liberté, ici ou à l’étranger. Quant à ceux qui ont été extradés après beaucoup d’efforts, ils ont été libérés et demeurent, de fait, des oligarques impunis. Cela agace fortement les électeurs. Et c’est là, je pense, que le gouvernement se doit de trouver des solutions. Quitte à changer le personnel judiciaire, les juges et les procureurs. Notre système judiciaire doit être modifié en profondeur, et ce dans un délai de six mois tout au plus. Il faut un changement de mentalité, il n’y a pas de temps à perdre d’ici aux élections législatives. Bien qu’une alternative politique soit peu envisageable aujourd’hui, il est essentiel que le gouvernement fasse comparaître devant la justice les grands corrompus.

Propos recueillis par Carmen Constantin.


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